L’APSSA au fil du temps

Moments choisis de l’histoire de l’APSSA, de sa constitution – en 1987 – au jubilé de ses 25 ans. Qu’en est-il de l’objectif initial, à savoir le retour de l’écrevisse à pattes blanches en l’an 2000 ?

En 1987, année de naissance de l’APSSA, les membres fondateurs se donnaient pour objectif de voir l’écrevisse à pattes blanches arpenter les berges du Seyon en l’an 2000.

Objectif ambitieux, tant les exigences écologiques de cette espèce sont élevées. D’ailleurs, il aurait fallu remonter au milieu du siècle passé pour pouvoir serrer la pince de ce crustacé, qui survivait dans la région de la Borcarderie et dans les gorges en aval de Valangin !

L’objectif n’a pas été atteint, loin s’en faut. Mais force est de constater que des progrès considérables ont été accomplis, notamment dans le domaine de l’épuration des eaux usées avec la mise en place de la nouvelle STEP de la Rincieure. En toute modestie, nous osons croire que notre action a su jouer un rôle dans la prise de conscience de la nécessité d’améliorer la qualité des eaux du Seyon.

Et pourtant, il reste encore du pain sur la planche. Le Seyon souffre d’un débit insuffisant, de nombreux tronçons canalisés empêchent la rivière de s’exprimer, et les pollutions accidentelles ou chroniques rendent la vie dure à la faune aquatique.

D’eau et d’histoires…

Nous vous invitons à vous immerger dans 25 ans d’histoires d’eau, écrites par des femmes et des hommes sensibles aux charmes et aux murmures du Seyon, désireux de rendre ses lettres de noblesse à leur rivière trop souvent malmenée. C’est à la lumière des 35 bulletins parus à ce jour que nous avons reconstitué les méandres de l’histoire de l’APSSA. Ou comment notre association est entrée de plein pied dans l’âge adulte.

1987, le temps des pionniers

L’Association Pour la Sauvegarde du Seyon et de ses Affluents voit le jour le 12 juin 1987 dans les vénérables murs du Château de Valangin, sous l’impulsion de passionnés de la nature: Willy Matthey (président), Frédéric Cuche, Denis Robert, Gabriel Ruedin, Yvan Matthey, Maurice Evard, Anne-Christine Evard, Philippe Graef, Jean-Michel Gobat, Paul Marchesi…

Les pionniers, dans leur enthousiasme, se fixent un objectif ambitieux: « En l’an 2000, les écrevisses seront à nouveau dans le Seyon« . L’écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes apparaît rapidement… comme logo de l’association en 1989, puis croquée dans tous ses états par l’illustrateur Alexis Nouailhat dès 2006. Mais dans la rivière, impossible de serrer la pince à ce crustacé discret, dont les conditions pour une réintroduction ne sont de loin pas réunies.

« Assurer la sauvegarde de l’écosystème du Seyon et de ses affluents« , tel est l’objectif fixé dans les statuts de l’association. Il faut avouer qu’à la fin des années 1980, l’état de santé de la rivière est inquiétant : tronçons canalisés, débit d’étiage insuffisant, pollutions chroniques (dysfonctionnements des stations d’épuration vétustes, apports de fertilisants et de phytosanitaires d’origine agricole) rendent la vie dure à la flore et la faune aquatique.

Pourtant, les préoccupations liées à la protection du Seyon et de ses ressources ne datent pas d’hier, comme le montre ce texte découvert par Maurice Evard dans les Archives de L’Etat de Neuchâtel, registre des « Mandements » :

Le Gouverneur et Lieutenant General es souverainetéz de Neuchâtel et Vallengin, Au Mayre de Vallengin ou à son Lieutenant, salut.

Sur ce qu’il nous es venu à notice que contre les deffenses faites ces années passées, plusieurs personnes se licensient d’aller à la pesche des écrevisses, dans la rivière du Seyon au Val de Ruz, et craignant que semblable abus ne se commette à l’avenir, nous avons jugé à propos de faire le present, par lequel nous deffendons à toutes personnes quelles, qu’elles soyent, de pecher et prendre des escrevisses dans ladite rivière du Seyon, à peine d’estre châtiés pour des bans de soixante sols, chaque fois qu’il y seront trouvés mesusans, et contrevenants au present mandement, lequel vous ferés publier par les formes accoûtumées, aux lieux nécessaires, afin que personne n’en prétende cause d’ignorance.

Donné au Château de Neufchâtel, le 8e apvril 1665.

A cette époque, l’écrevisse est une denrée convoitée, mais gare de ne pas se faire pincer : Instance contre Christ Allemand, à Engollon, pour avoir pris des écrevisses au Seyon. Il s’excuse en alléguant que c’est M. Brun, pasteur à Engollon, qui l’a fait tomber en faute, désirant manger des écrevisses. Le tribunal agrée l’excuse (tiré du registre civil de la Justice de Valangin du 28 octobre 1733).

De la jeunesse à l’adolescence

En 1993, l’APSSA se lance dans le show-business. C’est du moins ce que laisse penser la lecture du bulletin n° 10. Où l’on découvre que le président d’alors, le Prof. Willy Matthey, joue l’amuseur public sur les plateaux de la TV romande aux côtés de l’humoriste Sim. Mais qu’on se rassure, c’est pour la bonne cause! Plus précisément pour recevoir des mains de la Loterie romande un chèque substantiel en vue de réaliser une étude expérimentale sur les moyens de diminuer les apports de nitrates dans le Seyon, par le biais d’une zone de filtration. Et de diffuser un spot publicitaire en vue de sensibiliser le grand public sur les affres dont souffre le cours d’eau.<

Pourtant, l’ambiance n’est pas à la franche rigolade: le 5 septembre 1995, l’usine ETA de Fontainemelon est la proie des flammes. Des quantités considérables d’eau d’extinction mélangée à des huiles s’écoulent dans le cours d’eau, par le biais du Morguenet et de l’ancienne STEP de la Rincieure, qui doit momentanément être mise hors service. 160’000 litres d’huile sont récupérés à l’aide de barrages installés sur le pont du Morguenet. Les conséquences sur la faune, et notamment les poissons, se révèlent désastreuses. Aujourd’hui encore, des traces de cette pollution contrarient le démantèlement de l’ancienne STEP.

Face aux atteintes répétées que subit le Seyon, le comité décide de mettre sur pied un réseau de surveillance composé d’une vingtaine de passionnés. Chaque tronçon du cours d’eau et de ses affluents est prospecté au moins une fois par an, et les problèmes observés dûment répertoriés sur des fiches ad hoc. Durant ses quelques années de fonctionnement, ce réseau permettra de localiser les principaux points noirs émaillant le cours du Seyon et de rechercher des solutions pour y remédier.

Si l’APSSA met volontiers la main à la plume (ou au clavier), elle ne dédaigne pas pour autant la pelle, la pioche ou la cisaille : c’est à cette époque que naît la traditionnelle journée annuelle d’entretien des étangs de Bayerel, réalisée en partenariat avec les Amis de la Nature de la Chaux-de-Fonds, consistant à assurer la pérennité de ces plans d’eau précieux pour la faune et la flore de la région. C’est aussi le début des plantations de buissons le long du Seyon et de l’aménagement d’étangs, à l’exemple du biotope de Fontaines auquel l’APSSA a participé.

Au moment de tirer le bilan de 10 ans d’activité, le président Frédéric Cuche constate amèrement que la qualité de l’eau n’a pas beaucoup évolué, mais place tous ses espoirs dans la réalisation de la nouvelle station d’épuration de la Rincieure, dont les crédits ont été votés par les communes du Val-de-Ruz. Il se prend même à rêver d’une remise en fonction de la ruine qui servit jadis de moulin, au lieu-dit Bayerel… projet qui verra le jour 10 ans plus tard à l’instigation de notre association!

L’âge de raison

Les coups de gueule dénonçant les atteintes à l’écosystème Seyon laissent peu à peu la place au pragmatisme et à la recherche de solutions concertées avec les différents partenaires. L’APSSA renforce ses liens avec les services de l’Etat (service de la protection de l’environnement, service de la faune, des forêts et de la nature, bureau de l’économie des eaux). Elle mandate une étude pour évaluer l’efficacité des ouvrages de stabilisation des berges. Elle organise des expositions, excursions, conférences afin de sensibiliser un public le plus large possible. Sous la plume du Prof. Willy Matthey, elle diffuse dans son bulletin les « Petites vies dans le Seyon », à la découverte des créatures miniatures peuplant le cours d’eau.

Elle lance en 1998 ce qui deviendra une des activités phare de l’association: le nettoyage annuel du Seyon. Cette action qui se voulait initialement ponctuelle se poursuit inlassablement depuis 15 ans ! Elle se veut un indicateur de l’état de santé du cours d’eau, et plus particulièrement du rôle joué par les déversoirs d’orage, dont les apports ne diminuent pas malgré les importants travaux de mise en séparatif déjà consentis à ce jour. Elle met également en lumière les comportements indélicats de nombreuses citoyennes et citoyens qui continuent de prendre les cuvettes de WC pour des poubelles. Et parfois, découvre entre deux amoncellements de détritus, des lambeaux de poésie oubliés:

« J’savais pas qu’y avait des sables émouvants au Seyon »

(Petite fille lors du nettoyage de 1999)

Oh Seyon, que tu es brillant,

Que tu es habile!

Tes belles chutes sont courantes,

Que tu as de belles grenouilles!

Tu coules vite, tu es joli.

Dommage que tu sois pollué,

On va te sauver, Seyon,

Ne te décourage pas !

(Stéphane, 9 ans)

C’est aussi « Le Seyon dans tous ses états », intitulé d’une table-ronde qui doit jeter les bases d’une relation nouvelle entre Homme et Seyon pour le XXIè siècle. Relation qui se matérialise par la mise en place de la nouvelle STEP de la Rincieure, en novembre 2000. Des accidents de jeunesse, à l’origine de sévères pollutions, ont quelque peu entaché l’aura de ces installations performantes, comme le rappelle dans un éditorial Jean-Bernard Vermot, qui a repris le flambeau de la présidence: « Le Seyon est enfant de STEP. En cela, il est un fils fragile, vulnérable et sensible aux accidents, qui ne peut pas compter sur l’effet de dilution en cas de fiévreuse alerte. » Néanmoins, force est de constater que la nouvelle STEP a grandement contribué à l’amélioration de la qualité de l’eau du Seyon.

C’est enfin récemment le PREE (plan régional d’évacuation des eaux) Val-de-Ruz, une étude d’envergure initiée par le service de la protection de l’environnement, qui rassemble toute une brochette de spécialistes au chevet du Seyon pour s’enquérir de l’état du malade et proposer une thérapie de remise en forme. Une fois les symptômes clairement identifiés, il s’agira de prescrire les remèdes adaptés, supportables financièrement et politiquement : amélioration de la qualité de l’eau, maintien d’un débit minimal en période d’étiage pour la faune, revitalisation des portions de berges canalisées, etc. Pour l’APSSA, partenaire de l’étude, c’est 25 ans de préoccupations et d’espoirs qui se voient revêtir les habits de l’officialité à travers ce programme dans lequel nous plaçons de grands espoirs.

Un Seyon convalescent coule désormais sous nos ponts, qui dans un futur pas si lointain roulera peut-être des eaux suffisamment propres pour que l’écrevisse montre à nouveau le bout de ses antennes. C’est du moins notre souhait le plus cher!